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Et il se mit à grommeler, par moments avec des éclats de voix :
— C’est bien fait ! Ah ! le gueux ! le brigand ! le chenapan ! le vaurien ! le séditieux1 ! Ce sont ses propos sur le gouvernement qui l’ont mené là. C’est un rebelle. J’avais chez moi un rebelle. J’en suis délivré. J’ai de la chance. Il nous compromettait. Fourré au bagne ! Ah ! tant mieux ! Excellence des lois. Ah ! l’ingrat ! moi qui l’avais élevé ! Donnez-vous donc de la peine ! Ah ! Gwynplaine est sous clef ! Ah ! il est aux galères ! c’est juste. C’est équitable, excellent, mérité et légitime. C’est sa faute. Bavarder est défendu. Es-tu un lord, imbécile ? Coffré, mon drôle ! Tant pis pour lui, tant mieux pour moi ! Je suis, ma foi, bien content. J’avoue que j’ai de la chance. Quelle extravagance j’avais faite de ramasser ce petit et cette petite ! Nous étions si tranquilles auparavant, Homo et moi ! Qu’est-ce qu’ils venaient faire dans ma baraque, ces gredins-là ? Les ai-je assez couvés quand ils étaient mioches ! Joli sauvetage ! Lui sinistrement laid, elle borgne des deux yeux ! Privez-vous donc de tout ! Ai-je assez tété pour eux les mamelles de la famine ! Ça grandit, ça fait l’amour ! Des flirtations2 d’infirmes, c’est là que nous en étions. Le crapaud et la taupe : idylle3 ! J’avais ça dans mon intimité. Tout cela devait finir par la justice. Le crapaud a parlé politique, c’est bon. M’en voilà délivré. Gwynplaine est bellement en prison. C’est un coup de la providence. Merci, bonne madame. C’est ce monstre qui, avec le tapage qu’il faisait, a attiré l’attention sur mon établissement, et a dénoncé mon pauvre loup ! Parti, le Gwynplaine ! Et me voilà débarrassé des deux. D’un caillou deux bosses. Car Dea en mourra. Quand elle ne verra plus Gwynplaine — elle le voit, l’idiote ! — elle n’aura plus de raison d’être, elle se dira : Qu’est-ce que je fais en ce monde ? Et elle partira, elle aussi. Bon voyage. Au diable tous les deux. Je les ai toujours détestés, ces êtres ! Crève, Dea. Ah ! que je suis content !
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1. séditieux : révolutionnaire, rebelle
2. flirtation : flirt, rapprochement amoureux
3. idylle : histoire d’amour

Question de commentaire

* Vous rédigerez deux paragraphes qui évoqueront
1) la violence des propos d’Ursus
2) le désespoir d’Ursus
Aidez moi svppppp


Répondre :

Dans ce passage, Ursus exprime une profonde violence dans ses propos envers Gwynplaine et Dea, les deux jeunes qu'il avait recueillis et élevés. Ses paroles sont chargées d'une colère et d'un ressentiment intenses, illustrant sa frustration et son sentiment de trahison. Ursus qualifie Gwynplaine de "gueux", de "brigand", de "chenapan", révélant ainsi son mépris envers celui qu'il considère comme un rebelle et un ingrat. Sa réaction violente est également dirigée vers Dea, qu'il qualifie de "borgne des deux yeux" et de "idiote", exprimant ainsi son désespoir face à la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent tous les deux.

En outre, les paroles d'Ursus révèlent également un profond désespoir. Malgré sa colère apparente, il exprime également un sentiment de soulagement et de satisfaction maintenant que Gwynplaine est en prison. Il se réjouit de se débarrasser de ce fardeau et voit cela comme un acte de providence. Cependant, derrière cette façade de satisfaction se cache une tristesse et un désespoir palpables. Ursus sait que Dea est condamnée à mourir de chagrin en l'absence de Gwynplaine, et il exprime son désespoir en disant "Crève, Dea", révélant ainsi sa propre impuissance face à la situation. Malgré ses mots durs et sa colère apparente, Ursus est en réalité accablé par la tristesse et le désespoir de perdre les deux êtres qu'il avait aimés et élevés comme ses propres enfants.