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Séquence III, Se raconter, se représenter - Pourquoi parler de soi au travers d'un livre ?
Didier Eribon, Retour à Reims, 2008
Didier Eribon est issu du milieu ouvrier. Vers ses 20 ans il quitte le domicile familial pour se
rendre à Paris afin d'étudier la philosophie à l'université. A la mort de son père, plus d'une
vingtaine d'années plus tard, il retrouve son milieu d'origine avec lequel il avait en partie
coupé les ponts. Il détaille ce retour dans un livre qu'il publie.
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journal régional : une école privée venait de sa créer-des
arnaqueurs, sans doute; des
gens sans scrupules, en tout
pommes de terre et du lait du matin aur soir pour que je
sois assise dans un amphi à écouter parler de Platon,
cas-pour penser un enseignement d'informatique abîme * Quand je la vois aujourd'hui, le corps perclu de dou-
nouvelles
des adultes désireux de seconvertir dans de
carteres et de nouvelles
professions. Elle y
inscrivit,
dépensa beaucoup
d'argent pour aller plusieurs soirs
semaine res ses
heures de travail, suivre des cours
aux-
quel de s'aperçut
très vite qu elle ne comprenait rien ou
grand-chose.
Ell obstina. S'accrocha. Répéta pen-
dant des semaines qu'elle
n'arrêterait pas, qu'elle réussi-
leurs liées à la dureté des tâches qu'elle avait dû accomplir
pendant près de quinze ans, debout devant une chaîne
de montage où il lui fallait accrocher des couvercles à
des bocaux de verre, avec le droit de se faire remplacer
dix minutes le matin et dix minutes l'après-midi pour
aller aux toilettes, je suis frappé par ce que signifie concrè
tement, physiquement, l'inégalité sociale. Et même ce
rait à se mettre au niveau. Pais elle se rendit à l'évidence attenuatiomot d'e inégalité» m'apparaît comme un euphémisme
ve Aité
et voua vaincue. Elle renonça. Amère, dépitée, Sa der. de ta
nière chance s'était
envolée.
Après avoir été longtemps femme de ménage, elle
avait cessé de travailler après
la naissance de mon plus
jeune frère, en 1967.
Cela ne dura pas: pressée par la
contrainte économique
, elle dut trouver un emploi et alla
donc s'éreinter huit heures
par jour dans une usine-j'y
ai passé un mois pendant
les vacances d'été après le bac
et je pus constater ce
qu'était la réalité d'un tel « métier»
pour que je sois en mesure de suivre des cours sur
Montaigne et Balzac au
lycée ou, une fois à l'université,
de rester enfermé
pendant des heures dans ma chambre
à déchiffrer Aristote
et Kant. Quand elle dormait
la nuit
pour se lever à 4 heures
du matin, je lisais jusqu'à
l'aube
Marx et Trotski,
puis Beauvoir et Genet. Je ne peux ici
que renvoyer à la
simplicité avec laquelle
Annie Ernaux
exprime, à propos
de sa mère qui tenait une petite
épice-
rie de quartier,
la brutalité de cette vérité
: «J'étais cer
taine de son amour
et de cette injustice:
elle servait des
qui déréalise ce dont il s'agit : la violence nue de l'exploita
tion. Un corps d'ouvrière, quand il vieillit, montre à tous
les regards ce qu'est la vérité de l'existence des classes.
Le rythme de travail était à peine imaginable dans cette
usine, comme dans toute usine, d'ailleurs: un contrôleur
avait un jour chronométré une ouvrière pendant quelques
minutes, et cela avait déterminé le nombre minimum de
bocaux à faire par heure. C'était déjà extravagant,
quasi inhumain. Mais comme une bonne partie de leur
salaire se composait de primes dont l'obtention était liée
au total quotidien, ma mère m'a indiqué qu'elle-même et
ses collègues parvenaient à doubler ce qui était requis. Le
soir, elle rentrait chez elle fourbue, «lessivée », comme
elle disait, mais contente d'avoir gagné dans sa journée ce
qui nous permettrait de vivre décemment. Je ne parviens
pas à comprendre pourquoi et comment cette pénibilité
du travail et les slogans qui servaient à la dénoncer- bas les cadences infernales>- ont pu disparaître des dis-


Questions de compréhension - Utilisez des exemples du texte pour chaque question.
1. Que dénonce-t-il avec ce texte ?
2. Pourquoi se sent-il gêné vis-à-vis de sa mère ?
5. Comment sont formés les mots
3. Comment décrire les conditions de travail ouvrières ?
4. Ce texte est-il subjectif ou objectif?
"exploitation" et "simplicité"?


Répondre :

Réponse:

1. Dans ce texte, Didier Eribon dénonce les inégalités sociales et les conditions de travail difficiles auxquelles les ouvriers sont confrontés. Il met en lumière la dure réalité de l'exploitation et de la pénibilité du travail, ainsi que les obstacles auxquels les individus issus de milieux modestes doivent faire face pour accéder à l'éducation et à une vie meilleure.

2. Didier Eribon se sent gêné vis-à-vis de sa mère car il perçoit l'injustice de la situation dans laquelle elle se trouve. Malgré ses efforts pour subvenir aux besoins de sa famille en travaillant dans des conditions difficiles, elle ne bénéficie pas de la reconnaissance et des opportunités qu'elle mérite. Son travail est essentiel pour permettre à Didier d'accéder à l'éducation, mais il ressent le poids de la culpabilité envers sa mère pour les sacrifices qu'elle a dû faire.

3. Les conditions de travail ouvrières sont décrites comme extrêmement pénibles et épuisantes. Les ouvriers doivent travailler de longues heures dans des usines où le rythme de travail est imposé de manière quasi inhumaine. Le contrôle strict du temps et les cadences infernales imposent un stress constant aux travailleurs, qui doivent fournir des efforts considérables pour atteindre les objectifs de production fixés par l'employeur.

4. Ce texte est subjectif, car il reflète les opinions et les expériences personnelles de Didier Eribon. Il exprime son point de vue sur les conditions de travail ouvrières et l'injustice sociale qu'il perçoit. Didier Eribon partage ses réflexions et ses émotions par rapport à son propre vécu et à celui de sa famille, ce qui donne une perspective personnelle à son analyse de la société.

5. Les mots "exploitation" et "simplicité" sont formés par dérivation morphologique. "Exploitation" est formé à partir du verbe "exploiter" auquel est ajouté le suffixe "-ation" pour former un nom désignant l'action d'exploiter. "Simplicité" est formé à partir de l'adjectif "simple" auquel est ajouté le suffixe "-ité" pour former un nom désignant l'état ou la qualité de ce qui est simple.

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