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27 octobre 2014
Subir. Souffrir. Ne même pas pouvoir profiter des yeux de Rosy. S'endormir
dans des draps brumeux. Transpirer. Frissonner. Transpirer. Frissonner. Tran-
spirer. Frissonner. Parfois les deux en même temps. Impression d'avoir un glaçon
5 brûlant à la place du crâne. Se lever avec l'appréhension de se casser encore la
gueule. La fièvre ne baisse plus. Les machines sonnent. La bouche est sèche. Se
faire contrôler toutes les demi-heures. La tension. La température. La saturation
du cœur. J'ai trop mal à la tête pour lire, écrire, penser. [...]
Mon radeau prend l'eau, mes rames ramollissent. En guise de gouvernail, on
10 m'a donné une petite télécommande à morphine. Dès que j'appuie, je libère une
dose de produit. Ça détend les muscles de l'esprit. C'est un peu remplacer du
brouillard par du brouillard, mais celui-ci est doux comme de la barbe à papa.
L'effet ne dure pas, seulement quelques minutes de répit.
Cette nuit, une armada de piverts a décidé de me défoncer le crâne à coups de
15 bec. J'appuie plusieurs fois sur l'interrupteur à morphine. Le son de mes bras sur
les draps mugit sec et le bruit de la cafetière de la machine à perfusion ressemble
à un supplice chinois. L'ouverture des sacs en papier contenant les poches mé-
dicamenteuses me vrille les tympans comme si quelqu'un froissait du papier de
verre à l'intérieur de mes oreilles.
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Je suis un très vieil homme dans un T-shirt Spider-Man. Je ne dors plus, je
ne me réveille plus. L'hiver traverse ma fenêtre. Il neige dans ma chambre et
sous mon crâne brûlant, les flocons ne fondent pas. Mon radeau part à vau-l'eau,
dérivant vers des contrées obscures qui m'étaient jusqu'alors inconnues. Ici, il
faut être experte en espoir pour en débusquer la moindre particule. Les bouées
25 de sauvetage sont crevées, toute l'équipe s'affaire à les regonfler quand même.
Les céphalées¹ font claquer leurs queues de baleine contre mes tempes. Mon
front est gelé, il prend feu. Je suis entrain de chavirer. Les infirmières arrivent.
La houle se creuse encore, je n'ai plus pied dans mon lit. La vieille flamme en
moi ne veut pas s'éteindre. Ne restent guère plus que les nerfs pour résister. Si je
0 m'endors cette fois, j'ai l'impression que je ne me réveillerai pas.
M. MALZIEU, Journal d'un vampire en pyjama, Albin Michel, 2016.
Approfondir
Le corps qui iache ses armarres
1. En prenant appui our les images employées,
montrez que le corps du narrateur est au bord de l'épuisement.
2. Expliquez l'expression : « Je suis un très vieil homme
dans un T-shirt de Spider-Man >>.
Le radeau de la Méduse des sentiments
3. Par quels sentiments successifs passe le narrateur ?
Appuyez-vous sur des relevés du texte.
4. Pourquoi le narrateur parle-t-il de radeau ?
En quoi cette métaphore est-elle significative ici ?


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