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Soudain un bruit énorme. Une bouffée d'air pur. Un crépuscule. Des champs. Des vaches. Un gendarme les regardait . Il était tout proche d'eux, qui étaient près de la portière. Son père parlait au gendarme. Celui-ci ne
voulait pas trop écouter. Son père l'empoigna et lui parla. Cela alla vite. Sa mère pleurait, pleurait. Le gendarme fit non, plusieurs fois, avec sa tête. Son père mit alors la main dans sa veste et donna son portefeuille au
gendarme. Le gendarme l'empocha. Sa mère pleurait toujours. Les larmes coulaient sur son beau visage, son beau visage de mère. Le père secoua le gendarme par les épaules. L'autre se laissa faire. On entendit un
long coup de sifflet et le bruit des portières d'autres wagons qui se fermaient en claquant.
Soudain son père le prit , le regarda droit dans les yeux, l'embrassa sur la bouche, à lui faire presque mal. Sa mère hurla, l'embrassa, le serra, le mouilla de ses pleurs. Son père l'arracha à elle, le Pierrot tomba sur le sol souillé du wagon. Tout allait très vite. Il fut dans les bras du gendarme. Celui-ci le posa dans l'herbe, près des rails. Il ne voyait plus sa mère, plus son père. Il voyait des roues, il entendait les hurlements de sa mère, le claquement de la porte du wagon qui se refermait. Le train se mit en marche. Sa mère hurla son prénom au travers de la lourde portière. Il entendait des coups sur les parois du wagon. Lui aussi hurla. Il
appela sa mère. Il appela son père. Il hurla comme jamais jusqu'à ce jour il n'avait hurlé, comme jamais plus ensuite il ne hurlera. Le train redémarra lentement, le gendarme sauta sur un marche-pied. Le train s'en alla. Et avec lui les cris, les coups sur les cloisons, les parfums perdus, les odeurs épouvantables, les visages, les noms, les peaux, les baisers, les yeux, les lèvres, les traits de sa mère et ceux de son père, le sourire immobile et la larme figée du petit Pierrot de bois.
Plus de bruit. Plus rien. Le train était déjà loin. Il ne restait que les étoiles dans le grand ciel tout noir, et puis le silence de la campagne. Sa grande douceur chaude. Son vide immense.
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