Extrait 2 La relation avec « l'absente » D'après l'état civil' tu es ma sœur. Tu portes le même patronyme que le mien, mon nom de "jeune fille", Duchesne. Dans le livret de famille des parents presque en lambeaux, à la rubrique Naissance et Décès des Enfants issus du Mariage, nous figurons l'une au-dessous de l'autre. (...). toi en haut avec deux tampons de la mairie de Lillebonne, moi avec un seul - c'est dans un autre livret officiel que sera remplie pour moi la case décès, celui qui atteste de ma reproduction d'une famille, avec un autre nom. Mais tu n'es pas ma sœur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. Le secret. Tu as toujours été morte. Tu es entrée morte dans ma vie l'été de mes dix ans. Née et morte dans un récit, comme Bonny, la petite fille de Scarlett et de Rhett dans Autant en emporte le vent?. La scène du récit se passe pendant les vacances de 1950, le dernier été des grands jeux du matin au soir entre cousines, quelques filles du quartier et des citadines en vacances à Yvetot. On jouait à la marchande, aux grandes personnes, on se fabriquait des maisons dans les nombreuses dépendances de la cour du commerce des parents, avec des casiers à bouteilles, des cartons et des vieux tissus. (...) On s'échappait pour cueillir des mûres. Les garçons étaient interdits par les parents sous le prétexte qu'ils préféraient les jeux brutaux. Le soir on se séparait sales comme des peignes. Je me lavais les bras et les jambes, heureuse de recommencer le lendemain. L'année d'après, les filles seront toutes dispersées, ou fâchées, je m'ennuierai et je ne ferai que lire. Je voudrais continuer à décrire ces vacances-là, retarder. Faire le récit de ce récit, ce sera en finir avec le flou du vécu, comme entreprendre de développer une pellicule photo conservée dans un placard depuis soixante ans et jamais tirée. Annie Ernaux, L'Autre fille, collection « Les Affranchis », 2011 1.Etat-civil : Ensemble de documents administratifs qui définit l'identité d'une personne (acte de naissance, acte de mariage, acte de décès). 2. Roman de Margaret Mitchell Au fil de la lecture 1) Quelle information essentielle est donnée par l'auteure au début du texte ? 2) Dans le deuxième paragraphe, comment est présentée leur relation ? Comment l'écriture de l'auteure montre-t-elle cela ? 3) Pourquoi les vacances de l'été 1950 sont-elles longuement décrites ? 4) Surlignez les repères de temps à partir de « La scène du récit... jusqu'à la fin du texte »
Merci d'avoir visité notre site Web dédié à Français. Nous espérons que les informations partagées vous ont été utiles. N'hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions ou besoin d'assistance. À bientôt, et pensez à ajouter ce site à vos favoris !