Texte
Nous vivons en société. Or, une association d'hommes ne peut
subsister qu'à de certaines conditions. Elle ne peut prospérer si celles-
ci ne sont pas scrupuleusement observées par ceux qui la composent.
Comment durerait-elle si ses individus n'étaient pas disposés et à se
respecter les uns les autres, et à s'entraider au moins jusqu'à un
certain point? Des hommes qui s'entr'assassineraient, s'entre-
tromperaient perpétuellement, ne formeraient pas un groupe social
stable. Il leur faut, pour en former un, renoncer à satisfaire une partie de
leurs passions, s'imposèr un frein, se contraindre à une discipline. Toute
société a donc intérêt à persuader, dès l'enfance, à ses membres qu'ils
ont, à l'égard des autres hommes, des devoirs absolus de respect et
d'entraide, que ces hommes ont des droits correspondants, que celui-
là mérite qui obéit à ses devoirs; que celui-là démérite qui n'y obéit
pas, que le mérite mène à la récompense et le démérite à la punition.
Pas de société solide, ni même viable, si ses membres n'ont pas en
majorité, le fétichisme (1) du devoir. Sans lui, la société se désagrège."
D'où, dans toute société, l'effort pour le maintenir et le développer.
A. CRESSON,
Les courants de la pensée philosophique française, texte tiré
du Dictionnaire Quillet, T. I, A. C, 1975.
(1) Fétichisme: culte d'un fétiche Dans ce texte, fétichisme
du devoir signifle une vénération excessive pour le devoir.
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