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Montesquieu
(1689-1755)
1 Lettres persanes de Montesquieu
Lettre XXIV
Rica à Ibben, à Smyrne.
Nous sommes à Paris depuis un mois, et nous avons toujours été dans un
5 trouvé les gens à qui on est adressé, et qu'on se soit pourvu des choses nécessaires,
mouvement continuel. Il faut bien des affaires avant qu'on soit logé, qu'on ait
qui manquent toutes à la fois. Paris est aussi grand qu'Ispahan': les maisons y sont
si hautes, qu'on jurerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues. Tu juges
bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est
extrêmement peuplée et que, quand tout le monde est descendu dans la rue,
10 il s'y fait un bel embarras². Tu ne le croirais pas peut-être; depuis un mois que
je suis ici, je n'y ai encore vu marcher personne. Il n'y a point de gens au monde
qui tirent mieux parti de leur machine que les Français : ils courent; ils volent:
les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en
syncope. Pour moi, qui ne suis point fait à ce train4, et qui vais souvent à pied
15 sans changer d'allure, j'enrage quelquefois comme un chrétien: car encore passe
qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais je ne puis pardonner les
coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement : un homme, qui
vient après moi, et qui me passe, me fait faire un demi-tour; et un autre, qui me
croise de l'autre côté, me remet soudain où le premier m'avait pris : et je n'ai pas
20 fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues5.
Montesquieu, Lettres persanes, 1721.
Écrivain français du siècle des
Lumières. Il publie les Lettres
persanes en 1721, un roman
épistolaire (par lettres) dont
les héros sont des Persans en
voyage à Paris.
1. grande ville d'Iran.
2. cohue, embouteillage.
3. malaise, perte de connaissance.
4. je ne suis pas habitué.
5. ancienne unité de distance
(environ 40 km).
Juvénal
(fin du er siècle apr. J.-C.)
Poète satirique latin.
2 Satires de Juvénal
Le flot humain devant moi m'empêche de me hâter¹. La grande masse du peuple
qui me suit me pousse dans le dos. Un me frappe du coude, l'autre me frappe avec
une lourde poutre, un troisième me cogne la tête d'une solive², un autre encore
avec une jarre³. Mes jambes sont grasses de boues. De partout je suis écrasé par
5 de grands pieds et un clou de soldat se fixe dans mon orteil.
Juvénal, Satires, III (100-125) traduit du latin par Claude-Henri Tabart, Éditions Gallimard.
1. me dépêcher. 2. pièce de bois que l'on trouve dans une charpente. 3. récipient en terre. 4. clou
en fer qui garnissait les chaussures des soldats romains.
2.Dites de quoi ces textes vous semblent être la satire.
Justifiez votre réponse en citant le texte.
3. Par quels procédés d'écriture Montesquieu et Juvénal
parviennent-ils à critiquer leurs contemporains sans en
avoir l'air?
Question croisée
4. En vous appuyant sur ces deux textes, dites ce que l'on
peut déduire sur la nature humaine.


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