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Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent
à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de
coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs
et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques
grossiers instruments de musique, en un mot tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages
qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs
mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature,
et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant : mais dès l'instant
qu'un homme eut besoin du secours d'un autre; dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul
d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint
nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la
sucur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître
avec les moissons. La métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention produisit
cette grande révolution.
La liberté naturelle de l'homme, c'est de ne reconnaître sur terre aucun pouvoir qui lui
soit supérieur, de n'être assujetti à la volonté ou à l'autorité législative de personne, et de
n'avoir pour règle que la seule loi naturelle. La liberté de l'homme en société, c'est de n'être
soumis qu'au seul pouvoir législatif, établi d'un commun accord dans l'État, et de ne
reconnaître aucune autorité ni aucune loi en dehors de celles que crée ce pouvoir,
conformément à la mission qui lui est confiée. Chaque fois qu'un certain nombre d'hommes,
s'unissant pour former une société, renoncent, chacun pour son compte, à leur pouvoir de faire
exécuter la loi naturelle et le cèdent à la collectivité, alors et alors seulement naît une société
politique ou civile. La grande fin pour laquelle les hommes entrent en société, c'est de jouir
de leurs biens dans la paix et la sécurité. Or, établir des lois dans cette société constitue le
meilleur moyen pour réaliser cette fin. Par suite, dans tous les États, la première et
fondamentale loi positive est celle qui établit le pouvoir législatif. Ce pouvoir législatif
constitue non seulement le pouvoir suprême de l'État, mais il reste sacré et immuable entre
les mains de ceux à qui la communauté l'a une fois remis. Dès que cesse la loi, la tyrannie
commence, s'il y a transgression au détriment d'autrui. Dès lors, tout personnage au pouvoir
qui abuse de l'autorité concédée par la loi cesse par là même d'être un magistrat. Et puisqu'il
agit sans autorité, on peut lui résister comme à tout homme qui empiète par la force sur les
droits d'un autre.
C'est une des singularités du cœur humain que malgré le penchant qu'ont tous les
hommes à juger favorablement d'eux-mêmes, il y a des points sur lesquels ils s'estiment
encore plus méprisables qu'ils ne le sont en effet. Tel est l'intérêt qu'ils regardent comme leur
passion dominante, quoiqu'ils en aient une autre plus forte, plus générale, et plus facile à
rectifier, qui ne se sert de l'intérêt que comme d'un moyen pour se satisfaire; c'est l'amour des
distinctions. On fait tout pour s'enrichir, mais c'est pour être considéré qu'on veut être riche.
Cela se prouve en ce qu'au lieu de se borner à cette médiocrité qui constitue le bien-être
chacun veut parvenir à ce degré de richesse qui fixe tous les yeux, mais qui augmente les
soins et les peines et devient presque aussi à charge que la pauvreté même. Cela se prouve
encore par l'usage ridicule que les riches font de leurs biens. Ce ne sont point eux qui jouissent
de leurs profusions et elles ne sont faites que pour attirer les regards et l'admiration des autres.
Il est assez évident que le désir de se distinguer est la seule source du luxe de magnificence,
car quant à celui de mollesse il n'y a qu'un bien petit nombre de voluptueux qui sachent le
goûter et lui laisser la douceur et toute la simplicité dont il est susceptible. C'est donc ainsi
qu'on voit par le même principe toutes les familles travailler sans cesse à s'enrichir et à se
ruiner alternativement. C'est Sisyphe qui sue sang et eau pour porter au sommet d'une
montagne le rocher qu'il en va faire rouler le moment d'après.


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