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Bonjour’ j’ai besoin d’aide!
Que pense le narrateur des rhinocéros au début du texte, et à la fin? A partir de quelle ligne le narrateur change t’il d’avis? Justifiez.


La situation devint pour moi littéralement intenable. C’était de ma faute si Daisy était partie. Qui sait ce qu’elle était devenue? Encore quelqu’un sur la conscience. Il n’y avait personne à pouvoir m’aider à la retrouver. J’imaginai le pire, me sentis responsable.Et de partout leurs barrissements1, leurs courses éperdues, les nuages de poussière. J’avais beau m’enfermer chez moi, me mettre du coton dans les oreilles: je les voyais, la nuit, en rêve.«Il n’y a pas d’autre solution que de les convaincre.» Mais de quoi? Les mutations2 étaient-elles réversibles? Et pour les convaincre il fallait leur parler. Pour qu’ils réapprennent ma langue (que je commençais d’ailleurs à oublier) il fallait d’abord que j’apprisse la leur. Je ne distinguais pas un bar-rissement d’un autre, un rhinocéros d’un autre rhinocéros.Un jour, en me regardant dans la glace, je me trouvai laid avec ma longue figure: il m’eût fallu une corne, sinon deux, pour rehausser mes traits tombants. Et si, comme me l’avait dit Daisy, c’était eux qui avaient raison? J’étais en retard, j’avais perdu pied, c’était évident.Je découvris que leurs barrissements avaient tout de même un certain charme, un peu âpre3 certes. J’aurais dû m’en apercevoir quand il était temps. J’essayai de barrir: que c’était faible, comme cela manquait de vigueur! Quand je faisais un effort plus grand, je ne parvenais qu’à hurler. Les hurlements ne sont pas des barrissements.Il est évident qu’il ne faut pas se mettre toujours à la remorque des événe-ments et qu’il est bien de conserver son originalité. Il faut aussi cependant faire la part des choses; se différencier, oui, mais... rester parmi ses semblables. Je ne ressemblais plus à personne ni à rien, sauf à de vieilles photos démodées qui n’avaient plus de rapport avec les vivants.Tous les matins je regardais mes mains dans l’espoir que les paumes se seraient durcies pendant mon sommeil. La peau demeurait flasque4. Je contemplais mon corps trop blanc, mes jambes poilues: ah, avoir une peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, une nudité décente, comme eux, sans poils!J’avais une conscience de plus en plus mauvaise, malheureuse. Je me sentais un monstre. Hélas! jamais je ne deviendrai rhinocéros: je ne pouvais plus changer. Je n’osai plus me regarder. J’avais honte. Et pourtant, je ne pouvais pas, non, je ne pouvais pas.
Eugène Ionesco, Rhinocéros (1957)


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