Sextints
Lisez attentivement le texte ci-dessous
Le petit Simon, fils d'une femme célibataire surnommée « la Blanchotte », se présente pour la
première fois à l'école. En fin d'après-midi, à la sortie des cours, les élèves l'attendent. Une
rumeur court selon laquelle Simon n'aurait pas de papa.
Le gars lui cria : « On s'appelle Simon quelque chose... c'est pas un nom, ça... Simon. >>
Et lui, prêt à pleurer, répondit pour la troisième fois : « Je m'appelle Simon.
Les galopins se mirent à rire. Le gars triomphant éleva la voix : « Vous voyez bien qu'il n'a pas de
papa. >>
monstrueuse,
Un grand silence se fit. Les enfants étaient stupéfaits par cette chose extraordinaire, impossible,
un garçon qui n'a pas de papa; ils le regardaient comme un phénomène, un
être hors de la nature, et ils sentaient grandir en eux ce mépris, inexpliqué jusque-là, de leurs mères
pour la Blanchotte.
Quant à Simon, il s'était appuyé contre un arbre pour ne pas tomber; et il restait comme atterré par
un désastre irréparable. Il cherchait à s'expliquer. Mais il ne pouvait rien trouver pour leur
répondre, et démentir cette chose affreuse qu'il n'avait pas de papa. Enfin, livide, il leur cria à tout
hasard : << Si, j'en ai un.
Où est-il ? » demanda le gars.
UDAR
« Comment t'appelles-tu, toi ? »
Il répondit : « Simon.
Simon quoi ? » reprit l'autre.
L'enfant répéta tout confus: «< Simon. »>
Simon se tut; il ne savait pas. Les enfants riaient, très excités; et ces fils des champs, plus proches
des bêtes, éprouvaient ce besoin cruel qui pousse les poules d'une basse-cour à achever l'une
d'entre elles aussitôt qu'elle est blessée. Simon avisa tout à coup un petit voisin, le fils d'une
veuve, qu'il avait toujours vu, comme lui-même, tout seul avec sa mère.
<< Et toi non plus, dit-il, tu n'as pas de papa.
Si, répondit l'autre, j'en ai un.
Où est-il ? riposta Simon.
Il est mort, déclara l'enfant avec une fierté superbe, il est au cimetière, mon papa. >>
Un murmure d'approbation courut parmi les garnements, comme si ce fait d'avoir son père mort au
cimetière eût grandi leur camarade pour écraser cet autre qui n'en avait point du tout. Et ces
polissons, dont les pères étaient, pour la plupart, méchants, ivrognes, voleurs et durs à leurs
femmes, se bousculaient en se serrant de plus en plus, comme si eux, les légitimes, eussent voulu
étouffer dans une pression celui qui était hors la loi.
L'un, tout à coup, qui se trouvait contre Simon, lui tira la langue d'un air narquois et lui cria: << Pas
de papa ! pas de papa ! »
Simon le saisit à deux mains aux cheveux et se mit à lui cribler les jambes de coups de pied,
pendant qu'il lui mordait la joue cruellement. Il se fit une bousculade énorme. Les deux
combattants furent séparés, et Simon se trouva frappé, déchiré, meurtri, roulé par terre, au milieu
du cercle des galopins qui applaudissaient. Comme il se relevait, en nettoyant machinalement avec
sa main sa petite blouse toute sale de poussière, quelqu'un lui cria : « Va le dire à ton papa. »>
Alors il sentit dans son coeur un grand écroulement. Ils étaient plus forts que lui, ils l'avaient battu,
et il ne pouvait point leur répondre, car il sentait bien que c'était vrai qu'il n'avait pas de papa.
Plein d'orgueil, il essaya pendant quelques secondes de lutter contre les larmes qui l'étranglaient. Il
eut une suffocation, puis, sans cris, il se mit à pleurer par grands sanglots qui le secouaient
précipitamment.
L
-
Guy de Maupassant, Le papa de Simon, 1879.
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