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Texte 3 : L'armée des ombres, Joseph Kessel, 1943
Augustine Viellat, son mari et sa fille Madeleine viennent d'accepter d'aider Jean François, chef d'un réseau de Résistants, en accueillant dans leur ferme des pilote canadiens blessés et des soldats belges.
Cette patronne altière et despotique' les soignait avec une sollicitude 5 pleine de timidité. Les Anglais et les Canadiens etaient surtout l'obiet de sa vénération. Ils lui semblaient des êtres un peu fabuleux. Ils venaient de si loin. Leurs pays continuaient de se battre.
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- Taisez-vous donc, leur disait Augustine Viellat, lorsqu'ils la remer ciaient de quelque attention. Qu'est-ce qu'on serait devenus sans vous ?
Et eux qui avaient reçu le même accueil à travers toute la France, ils souriaient d'un air gêné.
Jules Viellat qui, pour pied bot*, avait été réformé en 1914 et en 1939 se 10 répétait sans cesse : « Et moi aussi, je fais un peu la guerre maintenant. » Il le disait quelquefois, mais seulement à sa fille Madeleine. [...]
La nuit venue, tout le monde se réunissait pour écouter les émissions anglaises dans la grande salle de la ferme où tout - portes et volets - était soigneusement clos. Augustine Viellat contemplait ces visages étrangers et 15 étranges sur le fond des vieux murs, parmi les vieux meubles qui n'avaient connu que la même famille de paysans modestes, et secouait sa petite tête hautaine avec incrédulité. Et quand elle songeait que ces hommes allaient bientôt partir dans un sous-marin (les pensionnaires de la ferme l'avaient dit - ils se sentaient dans une telle sécurité) il semblait à Augustine qu'elle 2 disait déjà cette histoire aux enfants qu'aurait Madeleine et que les petits
l'écoutaient comme un conte.
Cela dura environ une semaine. Puis, un soir, Jean-François revint. Il annonça que le départ aurait lieu la nuit suivante. Augustine Viellat croisa son fichu sur sa poitrine pour cacher l'agitation de ses mains. Comme on
25 allait se préparer pour dormir, Augustine retint Jean-François :
- J'aimerais en avoir d'autres, à l'occasion, lui dit-elle presque timide-ment.
Sa demande n'étonna point Jean-François. Chaque fois que les gens commençaient par hasard de rendre service à la résistance, ils étaient heu-
30 reux et voulaient continuer.
Était-ce la haine contre l'ennemi ou un sentiment de solidarité, ou le goût de l'aventure qui trouvaient ainsi à se satisfaire ? Jean-François n'était pas d'une nature à s'en préoccuper. Mais il savait que par cet entraînement le pays entier se peuplait de relais précieux et de complicités
35 innombrables.
e Joseph Kessel, L'Armée des ombres (2943) © Succession Kessel - Irish Red Cross Society.
Comment résister face à l'ennemi ?
Echanger
• Expliquez ce qu'est un réseau de Résistants en vous aidant de vos connaissances en histoire.
• Quel acte résistant la famille Viellat fait-elle ?
Trouvez-vous cet acte courageux?
Analyser
1. a. Comment l'admiration des Viellat s'exprime-
1-elle pour les étrangers qu'ils accueillent ?
b. A quoi les étrangers sont-ils comparés ? Pourquoi ?
2. Relevez les expressions qui caractérisent la ferme.
Quel adjectif est répété (I. 12-17) ? Quel contraste existe-t-il entre le lieu et ses habitants provisoires ou permanents ?
3. Quel temps est majoritairement employé ligne 12 à 21 ? et ligne 22 à 24 ? Justifiez le changement de temps.
4. Comment pouvez-vous caractériser le personnage d'Augustine ? Pourquoi, selon vous, propose-t-elle son aide à Jean-François (I. 26-34) ? Justifiez en citant le texte.
5. Expliquez la phrase Mais il savait [...] complicités innombrables (I. 33-35). Quelle issue pour la France occupée suggère-t-elle ?
Bilan
Rédigez le bilan en employant ces mots clés : êtres fabuleux, espoir, résistance, solidarité, courage,