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<< Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte prompte-
ment ton vaisseau de notre rive. Nous sommes innocents,
nous sommes heureux, et tu ne peux que nuire à notre bon-
heur. Nous suivons le pur instinct de la nature 1, et tu as tenté
d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous, et m
nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien
Nos filles et nos femmes nous sont communes, tu as par-
tagé ce privilège avec nous, et tu es venu allumer en elles
des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes
bras, tu es devenu féroce entre les leurs; elles ont com-
mencé à se hair ; vous vous êtes égorgés pour elles, et elles
nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes
libres, et voilà que tr as enfoui dans notre terre le titre de
notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu ni un démon, qui
vous êtes deux enfants de la nature; quel droit as-tu
sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu, nous sommes-
nous jetés sur la personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ?
T'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ?
T'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos
animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-
nous nos mœurs, elles sont plus sages et plus honnêtes que
les tiennes. Nous ne voulons point troquer ce que tu appel-
les notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce
qui nous est nécessaire et bon nous le possédons. Sommes-
nous dignes de mépris parce que nous n'avons pas su nous
faire des besoins superflusLorsque nous avons faim, sous
avons de quoi manger, lorsque nous avons froid, nous
avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes,
qu'y manque-t-il à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras
ce que tu appelles commodités de la vie, mais permets à
des êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir
de la continuité de leurs pénibles efforts que des biens ima-
es-tu done pour faire des esclaves? Orou, toi qui entends
la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu
me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame
de métal: Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pour-
quoi ? Parce que tu y as mis le pied ! Si un Otaîtien débar-ginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du
quait un jour sur vos côtes et qu'il gravât sur une de vos
besoin, quand finirons-nous de travailler, quand jouirons-
pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux
nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuel-
habitants d'Otaïti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort,
les et journalières la moindre qu'il était possible, parce que
- et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée
méprisables bagatelles 3, dont ton bâtiment est rempli, tu t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras. Laisse-nous?
t'es récrié, tu t'es vengé, et dans le même instant tu as reposer; ne nous entête, ni de tes besoins factices, ni de tes
projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! vertus chimériques
Tu n'es pas esclave, tu souffrirais plutôt la mort que de
l'être, et tu veux nous asservir! Tu crois donc que l'Otai-
tien ne sait pas défendre sa liberté et mourir? Celui dont
tu veux t'emparer comme de la brute, l'Otaitien est ton
frère :
Supplément au Voyage de Bougainville
Diderot Ладл

1. Faites une analyse du paratexte, que dire du titre, que savez-vous de D.Diderot, que savez-vous sur le siècle de sa naissance?
2. Qui prend en charge le récit? Quel est le type de focalisation? Justifiez celle-ci?
3. Quelle est la forme du texte? Cependant combien de personnes parlent?
4. Quel est l'objet de la discussion? Peut-on parler alors de débat ?
5. Quelle est la position du Vieux Tahitien?
6. Relevez au moins trois arguments, trois exemples.
7. Quel ton adopte le Vieux Tahitien? Cela vous semble-t-il légitime?
8. Est-il possible d'être convaincus par son réquisitoire? Dites pourquoi.