Rien de plus facile que d’ironiser sur les utilisateurs de téléphone portable. Toutefois, il
faut savoir à laquelle de ces cinq catégories ils appartiennent. Au premier chef, viennent les
handicapés, fussent-ils légers, contraints de rester en liaison constante avec un médecin ou
le SAMU. Louée soit la technologie qui leur offre cet instrument salvateur. Ensuite, on a ceux
que les lourdes charges professionnelles obligent à accourir à la moindre (capitaines
de pompiers, médecins de campagne, etc.). Pour ceux-là, le portable est une dure nécessité,
vécue sans joie.
Tertio, les couples illégitimes. C’est un événement historique : ils peuvent enfin recevoir un
appel de leur partenaire clandestin sans que la famille, la secrétaire ou les collègues
malveillants interceptent la communication. Il suffit que seuls elle ou lui (ou lui et lui, ou elle et
elle, les autres combinaisons éventuelles m’échappent) connaissent le numéro. Les trois
catégories susdites ont droit à tout notre respect : pour les deux premières nous acceptons
d’être dérangés au restau, au ciné ou à un enterrement ; quant aux adultères, ils sont en
général très discrets.
Suivent deux autres catégories à risque (le leur davantage que le nôtre). D’abord, il y a
ceux qui ne conçoivent pas de se déplacer sans avoir la possibilité d’échanger des frivolités
avec des parents ou des amis qu’ils viennent de quitter. Difficile de les condamner : s’ils ne
savent pas échapper à cette compulsion pour jouir de leurs instants de solitude, s’ils
n’arrivent pas à s’intéresser à ce que qu’ils font à ce moment-là, s’ils sont incapables de
savourer l’éloignement après le rapprochement, s’ils veulent afficher leur vacuité et même la
brandir comme un étendard, eh bien, tout cela est du ressort d’un psy. Ils nous cassent les
pieds, mais il faut comprendre leur effarante aridité intérieure, rendre grâces au ciel d’être
différents d’eux et pardonner (sans se laisser gagner par la joie luciférienne de ne pas leur
ressembler, ce serait de l’orgueil et un manque de charité). Reconnaissons-les comme notre
prochain qui souffre, et tendons l’autre oreille.
Dans la dernière catégorie, on trouve – aux côtés des acheteurs de faux portables, au bas
de l’échelle sociale – ceux qui entendent montrer, publiquement, qu’ils sont sans cesse
sollicités, consultés pour des affaires d’une éminente complexité
Umberto Eco, « Comment ne pas utiliser le téléphone portable »,
VOICI LES QUESTIONS 1) Combien de catégories d'utilisateurs de portables
U. Eco distingue-t-il ? Lesquelles ? 2) Relevez les indicateurs logiques qui vous ont permis de répondre. 3) Quelle hiérarchie l'auteur établit-il entre les catégories ? 4) « Louée soit la technologie » (1. 7) : quel est le mode verbal utilisé dans cette phrase ? Justifiez son emploi. 5) Quels reproches l'auteur adresse-t-il aux utilisateurs de portables dans le troisième paragraphe ? Justifiez en citant le texte. 6) Reformulez simplement le reproche fait aux utilisateurs de la dernière catégorie. 7) Relevez les différentes marques de l'ironie dans cet extrait. 8) Montrez précisément à quelles catégories ce texte s'adresse.
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