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Texte 4: Se défendre à tout prix
Le lendemain, Montomory abandonna sa Mercedes pour la petite 205 de son fils aîné. Elle se
débarrasse de ses tailleurs de femme du monde pour prendre l'apparence de madame tout le monde.
Vêtue d'une large robe kaba et d'un foulard en pagne, elle prit la direction de grand-village, un
bidonville de la capitale. Elle était méconnaissable lorsqu'elle gara sa voiture en bordure de route, et
prit le chemin sineux qui menait à la bicoque en planche du nganga. Tous les patients l'appelaient
<< papa >>. Elle avait appris son existence par une de ses amis qui voulait apprivoiser un amant plutôt
insaisissable. Elle avait fini par le fidéliser grâce aux vertus magiques des traitements de « papa >>.
Pour cette amie, il était tout simplement un faiseur de miracles. Aucun problème terrestre n'avait de
secret pour lui. Il soignait tous les maux, donnait le pouvoir, la beauté et l'argent. Les mauvaises
langues confondaient ce bon samaritain à un disciple de satan. Seulement parce qu'il collaborait avec
les génies de la mer qui lui versaient un mystérieux salaire annuel et qu'il se contentait simplement
de solliciter l'aide de lucifer pour soulager la misère du monde. Quels médisants !
Assise sur un banc raide sous un badamier, Montomory attendait son tour de consultation, en
subissant le jacassement de des voisines. Très peu d'hommes se mêlaient à ses conversations oiseuses,
apparemment noyés par la présence massive de la gent féminine. La misère se dégageait des visages
mangés par l'alcool et le tabac. Soudain, elle ne put en supporter davantage et faillit prendre la fuite,
mais elle se remémora l'objet de sa visite. L'enjeu était d'envergure.
Elle patienta. A l'appel de son prénom, elle se présenta devant une porte exiguë, protégée
par un pagne d'une blancheur douteuse. Elle l'écarta prudemment. Avant de pénétrer dans la pièce
où l'attendait le nganga, quelqu'un lui cria de se déchausser. Les esprits n'aiment pas le bruit. Elle se
débarrasse de ses mules et entra. Un frisson parcourut ses membres. Pourtant, elle avait l'habitude
des milieux ésotériques. Initiés très tôt aux pratiques religieuses traditionnelles par ses parents, il fallait
qu'elle protège son étoile contre la méchanceté du monde. En face de « papa», elle dissimula avec
peine sa gêne. Elle sourit alors timidement avant de prendre place devant le nganga.
Bonjour ma sœur! Prenez place. Vous avez l'offrande ?
Monternory sortit la somme de 5000 f cfa de son fourre-tout et la lui tendit. Il fit
immédiatement quelques incantations et mit les motifs de la visite.
Cela fut fait. L'homme compléta cette feuille par par des arabesques incompréhensibles
avant de la ranger dans l'enveloppe contenant déjà l'argent de l'offrande. Il fit encore une série
d'incantations, plia l'enveloppe en quatre, la glissa sous ses aisselles et cracha dessus trois. Ensuite, il
invita Montomory à l'imiter. Assise devant les bougies blanches et rouges brûlantes, libérant des
effluves ineffabies, elle se demanda ce qui allait lui arriver. Des têtes d'animaux accrochées aux murs
fragiles de la case. Elle retourna l'enveloppe à « papa » qui l'ouvrit séance tenante. Montomory n'en
crut pas ses yeux. La réponse, parfaitement rédigée par une main.
Chantal Mgalie Mbazoo Kassa, Fam, pp 78-71 fais-moi un Loupe plan thématique de ce texte