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Le docteur n'avait pas tellement tort. On pouvait croire que c'était à partir de là que tout
avait vraiment commencé. Et qui n'aurait été sensible, saisi d'une grande détresse et d'une
grande colère, en effet, à l'image de ces barrages amoureusement édifiés par des centaines de
paysans de la plaine enfin réveillés de leur torpeur3 millénaire par une espérance soudaine et
folle et qui, en une nuit, s'étaient écroulés comme un château de cartes, spectaculairement, en
une seule nuit, sous l'assaut élémentaire et implacable des vagues du Pacifique ? Et qui,
négligeant d'étudier la genèse4 d'une si folle espérance, n'aurait été tenté de tout expliquer.
depuis la misère toujours égale de la plaine jusqu'aux crises de la mère, par l'événement de
cette nuit fatale et de s'en tenir à l'explication sommaire mais séduisante du cataclysme
naturel ? [...]
Chaque soir après s'être baignés, il fallait qu'ils lui administrent une pilule pour la calmer.
Car ce qu'elle ne pouvait plus supporter, au fond, e'était de les voir se distraire de l'existence
qu'ils menaient dans la plaine. «Elle est devenue vicieuse», disait Suzanne. Joseph ne pouvait
pas dire le contraire.
MARGUERITE DURAS, Un barrage contre le Pacifique, Éditions Gallimard, p. 22-31.
1 Petit torrent
de montagne
7. Situez cet extrait par rapport à l'incipit: que constatez-vous ?
8. Qu'apprend-on de nouveau sur les personnages et leur situation?
9. En quoi l'extrait a-t-il aussi un intérêt historique ?
2 Terrain vendu
aux Français pa
l'administratio
coloniale son
réserve
rendemes
3.Ensommeiller
de la sensibilité et
relaxe
1